"Transformer l'émotion au travail en énergie: le FEBA"
Comment
exploiter cette énergie? En développant l'assertivité par la pratique
de ce que j'appelle le FEBA. La personne assertive est capable de mettre
un nom sur l'émotion qu'elle ressent, de prendre le recul nécessaire
sur le moment et d'exprimer son ressenti avec maitrise dans le respect
de la personne à laquelle elle s'adresse. L'entreprise est le lieu des
interactions, des échanges, de la collaboration... des frottements.
L'homme étant homme ne peut pas s'exprimer sans émotion, ni ne pas
ressentir l'émotion de l'autre, ni ne pas avoir d'impact sur l'émotion
des autres. Ne pas prendre en compte les émotions dans la vie de
l'entreprise c'est tout simplement enlever la vie dans l'entreprise, et
donc l'envie.
Prenons un cas concret. Un jour, une jeune femme
-appelons la Béatrice- vient me voir et me raconte ce qu'elle vient de
vivre avec son patron: ils devaient présenter ensemble les résultats de
la société devant le Comité de Direction Générale (CDG). Voilà qu'au
moment d'entrer dans la salle, son patron lui dit qu'il n'est pas
disponible et qu'elle doit le faire seule. La peur s'empare d'elle mais
elle parvient à la surmonter devant le CDG. A la fin de la présentation,
elle éprouve une vive colère à l'encontre de son boss. Le FEBA a libéré
Béatrice du poids de cette émotion et a libéré l'énergie de sa colère
pour la mettre au service de la collaboration. Comment cela c'est-il
passé? Nous avons préparé ensemble un FEBA.
F comme les FAITS
Quand
je suis "sous" l'émotion, ma raison n'a plus beaucoup de place, je ne
regarde plus les choses, les personnes, ni les situations de manière
objective mais affective. Ce n'est donc pas le bon moment pour agir ou
prendre une décision. Quand l'émotion est là, la première chose à faire
est de la recevoir et de la nommer. J'invite même mes sujets à la noter
sur un papier avec tous les éléments objectifs qui l'on suscitée : les
mots, les attitudes, la situation précise, etc. Je ne réagis donc jamais
sur le moment (si je le peux). Avec Béatrice, nous avons pris le temps
de réexaminer les faits et de les noter de manière précise et objective,
sans aucun jugement de valeur. Difficile de ne pas juger quand on a été
blessé!
E comme les EMOTIONS ressenties
En
réexaminant les faits de manière objective, Béatrice se souvient des
différentes émotions qu'elle a ressenties. En premier, la surprise puis
la peur, puis le dégoût, enfin la colère. Ces émotions ne sont ni bonnes
ni mauvaises: elles existent, piont final. Elles existent certes de
manière subjective et intentionnelle, mais bien de manière réelle. En
notant les émotions ressenties, je ne les ressens plus, je les reconnais
pour mieux les comprendre.
B comme BESOINS non satisfaits
En
notant les émotions ressenties, Béatrice a compris quels sont ses
besoins qui n'ont pas été satisfaits. Elle a été surprise: son besoin
d'anticipation n'a pas été satisfait. Elle a eu peur: son besoin de
sécurité et de soutien de sa hiérarchie a disparu d'un coup. Elle a été
dégoutée car la situation lui a été imposée de l'extérieur sans aucune
concertation, et a eu de la peine à l'avaler! Elle a été en colère car
son besoin de confiance et de stabilité a été bafoué par un comportement
qu'elle a trouvé injuste. Les besoins de Béatrice ont été notés sur le
papier.
A comme demande d'ACTION
L'objectif
du FEBA n'est pas seulement de dire les choses (ce qui soulage une
personne) mais de changer les comportements (ce qui construit). Par le
FEBA, l'autre prend conscience de ce qui s'est passé et de ce qui a été
ressenti. L'objectif du FEBA n'est pas de régler ses comptes mais de
retrouver l'envie de travailler ensemble. L'autre doit donc pouvoir
entendre ce qui est dit et accepter de trouver un nouveau modus vivendi
qui convient aux deux. La demande d'action se formule de la manière
suivante : je te demande de... L'enjeu de cette démarche est important
car il s'agit de redynamiser mon engagement personnel. Ma demande doit
donc être ferme et précise. Cette demande est aussi notée.
Quand
tous ces points sont bien notés, le FEBA est prêt: il ne reste plus qu'à
faire la démarche... C'est le plus dur mais c'est le plus rapide et en
plus, ça marche! La personne que vous avez en face de vous (son boss
dans le cas de Béatrice mais cela peut être un collaborateur ou un
collègue), n'a pas de raison de vous couper la parole car, ne portant
pas de jugement, ce que vous dites est incontestable: les faits sont les
faits, vos émotions sont vos émotions, vos besoins sont vos besoins et
votre demande est votre demande. Si l'autre tente de vous couper la
parole pendant votre FEBA, demandez-lui fermement de vous laisser aller
jusqu'au bout de ce que vous voulez lui dire. Il comprendra et vous
écoutera.
Votre FEBA sera réussi si vous parvenez finalement à vous
entendre avec l'autre sur ce nouveau mode de coopération que vous voulez
instaurer entre vous. Contrairement à ce que l'on peut croire, cette
démarche ne vous fait prendre aucun risque. Une personne normale ne peut
pas être insensible à un FEBA bien préparé car l'émotion crée
nécessairement l'émotion. Si votre interlocuteur n'accepte pas cette
démarche, il est préférable de vous en éloigner.
Grâce au FEBA
que Béatrice a exécuté avec son boss, ce dernier a pu réaliser l'impact
de son attitude sur elle. Très rationnel, il n'avait ressenti aucune
gêne. A-partir de ce jour, il fait attention à sa collaboratrice et la
respecte davantage. Il s'est excusé personnellement auprès d'elle et des
membres du CDG... ce qu'elle lui avait demandé.
Les exemples
sont nombreux qui prouvent qu'il est bénéfique pour la vie en entreprise
d'exprimer son ressenti avec maitrise et d'inscrire cette démarche "
courageuse " dans une dynamique de projet. Voilà une preuve de plus qui
montre le lien essentiel entre les émotions et le bonheur au travail.
Par Philippe Laurent, conférencier, coach et formateur
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