Denis Marquet, philosophe, thérapeute et écrivain nous propose un article dans CLES, passionnant et tellement vrai.
Des sens saturés de non-sens !
Il n’est aucune expérience qui s’oppose au cheminement spirituel. La joie est un merveilleux sentier vers le divin, mais la souffrance aussi. Découvrir sa vérité intérieure est une réalisation, se perdre est parfois un raccourci vers soi-même. Si la rigueur d’une morale ou d’une discipline a son utilité, se découvrir incapable de vivre selon ce que l’on sait juste est aussi une opportunité. Réussir brillamment est une voie, échouer lamentablement en est une autre. La sainteté est admirable, mais le crime, à la faveur du repentir, est parfois le chemin qui y mène.
Pour un être en chemin, toute expérience est matière. À une condition, toutefois : que l’on vive avec intensité. Car le seul véritable obstacle à l’accomplissement humain, c’est précisément le refus de vivre des expériences. Celui-ci a pour nom tiédeur.
Qu’est-ce qu’une expérience ? L’irruption du nouveau dans ma vie. Chaque rencontre, chaque événement, chaque instant m’offrent une nouveauté radicale qui m’invite à mourir à tout ce que je fus pour naître à ce que je ne sais pas. Vivre vraiment, c’est mourir et renaître sans cesse, avec l’intensité de souffrance et d’émerveillement qui accompagne nécessairement cet incessant renouvellement de soi-même et du monde. Accepter celui-ci sans chercher à figer, à posséder, à contrôler, telle est la condition pour aimer et pour créer. Car celui qui aime n’aime rien tant qu’être surpris par l’aimé ; celui qui crée, être surpris par ce qu’il crée.